La sélection de la Matinale #4

Ce samedi 13 mai, Maëlle et Bruno vous ont présenté leurs derniers coups de coeur pendant cette quatrième édition de La Matinale. Histoires de famille, roman humoristique, ovni cinématographique et groupe de rock : une sélection écletique à découvrir !

Bruno a commencé en présentant le dernier album du groupe Arctic Monkeys, The Car

Le quatuor de Sheffield, apparu avec fracas au début des années 2000 et régnant depuis sur le rock indépendant anglais de par la qualité constante de sa production, saluée par une reconnaissance publique et critique jamais démentie et une pluie de récompenses, calme le jeu et le tempo. Ils publient leur 7ème album, celui de la maturité. Bientôt quarantenaires, ils ont ici remisé leurs guitares abrasives et sorti les claviers vintage. Les arrangements de cordes sont somptueux, la musique respire et Alex Turner qui n’a jamais aussi bien écrit et chanté, confesse dès l’ouverture du disque : « Je sais que c’est ce que j’avais juré de ne jamais faire : jouer les grands romantiques…Mais cela m’a semblé être la meilleure chose à faire pour être dans l’ambiance du moment ». On pense aux albums de ses grands ainés crooners et dandies des années 70 (Bowie, Ferry…), ou parfois à John Barry. Bref la grande classe !

S'en est suivi une présentation du dernier essai de Justine Augier, Croire : sur les pouvoirs de la littérature sorti en janvier 2023. Elle est aussi l'autrice des romans De l'ardeur (prix Renaudot 2017) et Par une espèce de miracle. Elle est la fille de Marielle de Sarnez, femme politique, bras droit de François Bayrou au sein du MoDem, décédée en 2021.

Dans ce bref essai de 132 pages, il est justement question de sa mère, puisqu'il s'agit d'une sorte d'hommage qu'elle écrit durant l'année qui suit sa disparition, d'une leucémie foudroyante à l'âge de 69 ans alors qu'elle était Présidente de la Commission des Affaires Etrangères de l'Assemblée Nationale.

Cet hommage émouvant, mais surtout pas larmoyant, au contraire d'une grande pudeur, a cependant lieu presque en creux : comme l'indique le titre de ce livre il s'agit en même temps et avant tout, d'une réflexion sur ce que la littérature peut nous apporter pour affronter le monde, la vie, la mort d'un proche, la guerre... ces situations de crise profondes que l'on peut être amené à traverser au cours de son existence. Le livre a d'ailleurs été écrit pendant la crise du COVID, après que sa mère, à laquelle elle avait parlé de ce projet depuis quelques temps lui ait dit : "Je crois qu'il est temps que tu écrives ce livre". La littérature, donc. Elle est ici envisagée dans son acception la plus large: il s'agit de romans, d'essais mais aussi de récits, de témoignages, de philosophie ou de poésie. La liste des auteurs et oeuvres cités au cours du livre apparait en fin d'ouvrage. Elle est riche et très diversifiée (au hasard Proust, Perec, Camus, Henry Miller, Modiano mais aussi Joan Didion, James Baldwin, Rilke, Beauvoir...)

"Les brefs extraits qu'elle choisit de partager avec nous s'intègrent à son développement et l'étayent. J'ai été séduit et impressionné par le brio avec lequel elle passe d'une idée à l'autre, et mêle sans effort le récit intime, ceux des opposants au régime syrien et ses considérations sur les pouvoirs de la littérature." Bruno

Nous sommes ensuite passé au dernier film de Mathieu Amalric, Serre-moi fort. Il s'agit de son 8eme film en tant que réalisateur.

L’histoire suit une femme qui quitte sa maison et sa famille un matin. Besoin d’Indépendance ? Rupture ? Dépression ? Folie ? Très vite, ses enfants lui manquent et elle manque à ses enfants. Son mari a l’air en colère, ne cherche pas à la joindre et jette ses affaires à la poubelle. Ensuite, il y a deux lignes de récit parallèles : la sienne et celle de sa famille, avec pour faire le lien, pour ouvrir des passages entre les deux récits, des airs de musique, des gestes ou des circonstances qui se font écho. Au cours de son errance, elle se remémore des moments en famille, sa rencontre avec son mari, des regards, des mots prononcés. Le film fait penser à une composition musicale, avec des motifs qui apparaissent au début puis s’éloignent et reviennent. Cette musicalité est obtenue grâce à un montage très fluide, parfois un peu à la manière d’un Terence Malick mais sans sa grandiloquence, ses maniérismes et son mysticisme qui peuvent agacer. Ici les choses sont plus terre-à-terre et réalistes, même si le film est plein de signes, que l’on voit ou pas, que l’on comprend ou pas. Enfin, il y a Vicky Krieps (qu’on avait découverte dans Phantom Thread de P.T. Anderson). Elle porte le film par la sensibilité de son jeu, force et fragilité mêlées. On pense à Romy Schneider ou à Gena Rowlands, son jeu se situant à cette altitude.

Nous passons ensuite au premier roman humoristique de Pierre Darkanian, Le rapport chinois sorti en septembre 2021.

L’histoire suit Tugdual Laugier qui passe avec succès un entretien de recrutement chez un chasseur de tête au cours duquel on ne lui demande quasiment rien sinon de de faire preuve d'aucune compétence particulière. Il est néanmoins engagé, et grassement payé, par un grand cabinet de Conseil en Commerce International. Lors de sa prise de fonction, les rares personnes qu'il rencontrent insistent principalement sur l'extrême importance qu'il ya à veiller à la plus grande confidentialité concernant tous les dossiers que traite le cabinet et ...c'est à peu près tout ! Une confidentialité telle, d'ailleurs que personne ne lui dit de quoi il retourne... On l'installe dans un bureau quasi vide, son téléphone ne sonne pas, et personne ne lui confie aucune mission ni responsabilité...

Pierre Darkanian a du style, de l'humour, et il met son anti-héros dans des situations incongrues qu'il pousse jusqu'à leur paroxysme.

"J'ai beaucoup ri, entre la loufoquerie dont fait preuve l'auteur, le pastiche du monde des consultants qu'il propose et ses deux personnages principaux Tugdual Laugier et Relot, deux imbéciles sûrs d'eux-mêmes et prétentieux, décrits avec férocité et un plaisir évident par l'auteur. Bref, un feelgood book pour ceux qui n’en lient pas habituellement !" Bruno

Nous avons fini avec le film Armageddon Time du cinéaste new yorkais James Gray, auteur de La nuit nous appartient ou plus récemment de Ad Astra. Il revient ici à la veine intimiste de son Two lovers, et nous raconte de façon très personnelle une histoire d’amitié brisée avec un jeune camarade afro-américain dans le Queens des années 80 et l’éveil de son intérêt pour le dessin 

Largement autobiographique, mélancolique, précis et sans concession aussi bien dans la peinture de sa propre famille vivant le « rêve américain » que dans celle des premières années du Reaganisme et du racisme (anti-noirs, anti-juifs…) gangrénant la société américaine, le film nous émeut aussi par la façon dont il met en scène la relation entre le jeune héros et son grand père (Antony Hopkins, magistral en vieil ashkénaze plein d’humanité et de sagesse).

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Maëlle a commencé en nous présentant la bande dessinée A la recherche de Jeanne avec Caroline Péron au dessin et Zazie Tavatian pour le scénario, puisqu’il s’agit de l’histoire de cette dernière. Zazie part à la rencontre de son aïeule Jeanne, déportée et morte pendant la seconde guerre mondiale.

L’autrice s'élance à la recherche de son arrière-arrière-grand-mère, dont elle ne sait pas grand-chose hormis son attrait pour la cuisine. A travers son cahier de recettes, elle va renouer avec sa famille éparpillée à travers le monde pour essayer de découvrir cette femme effacée par l’Histoire.

Un beau morceau de l’Histoire, l’autrice retrouve ses racines à travers une passion commune : la cuisine. Les chapitres sont agrémentés des différentes recettes de Jeanne, tirées de son cahier qui nous fait penser aux livres de cuisine de nos grands-mères, annotés et améliorés à travers les âges. Une bande dessinée qui ne se veut pas larmoyante mais lumineuse, et qui cherche à redonner leurs identités à toutes les victimes de la Shoah. Des dessins doux et des couleurs belles et tendres allègent le récit, une belle découverte.

Passant au cinéma, nous avons découvert le film Everything everywhere all at once co-réalisé par Daniel Kwan et Daniel Scheinert et multi-récompensé aux oscars en 2023.

Le scénario commence dans une laverie, tenue par une famille originaire de Chine. La situation n’est pas aux beaux fixes, la famille croule sous les dettes. A cela s’ajoutent des conflits intrafamiliaux, la venue du grand-père aux mœurs plus intransigeantes n’aide pas. Et c’est lors d’un rendez-vous avec les impôts que le film bascule dans le fantastique, et notre héroïne principale est confrontée à des évènements plus qu’étranges.

Le spectateur bascule alors dans un ovni scénaristique, où se confrontent un drame familial, un film de super-héros et de la science-fiction. La théorie des multivers ou théorie des cordes s’installe dans le film, de manière très claire qui permet une compréhension assez aisée. Saluée par les critiques, la direction artistique nous offre un spectacle éblouissant, avec des jeux de couleurs et de matières mirifiques.

"Le plus émouvant selon moi, c’est cette relation mère-fille qu’on sent très réelle. Entre les conflits des origines, de l’orientation amoureuse, les non-dits et les sentiments refoulés, ce film m’a réellement touché." Maëlle

Et pour finir, nous avons parlé du premier roman de l’autrice québécoise Michelle Lapierre-Dallaire, Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok.

Hybride entre l’autofiction, le journal intime, la consultation chez le psychologue, ce roman nous transporte dans les méandres du désamour de soi, des violences sexuelles et sexistes et des relations toxiques. Michelle Lapierre-Dallaire nous parle de son passé, naviguant entre l’enfance et le début de l’âge adulte. C’est un récit brut, dur, qui nous malmène. Âmes sensibles s’abstenir.

Encore un texte émouvant, de par sa plume qui nous promène entre le français et le québécois, mais aussi par son récit. Il s’agit d’une histoire traumatisante sous plusieurs égards, sur la haine de soi, d’où elle provient et comment elle peut se matérialiser. Une histoire forte et vitale, sur des thématiques extrêmement dures comme la pédophilie, l’inceste, les relations amoureuses et familiales toxiques.

à la recherche de jeanneeverything everywhere all at onceY avait il des limites si oui je les ai franchies mais c etait par amour ok

 Les lecteurs et les lectrices de la Médiathèque ont aussi été nombreux et nombreuses à nous présenter leurs coups de coeur, que vous trouverez ci-dessous : 

 

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